L’ECHAPPEE
La pluie est là, solidement installée. Rideau réduisant l’horizon, rendant
la promenade hasardeuse ou, disons, faisant de sa perspective quelque
chose de franchement désagréable. Esther sent d’avance le mouillé des
chaussettes avec des semelles qui prennent l’eau, les gouttes glissant
traîtreusement dans le cou quand la capuche est mal serrée. Les sapins
à l’orée du bois lui paraissent monstrueux. Elle avait rêvé d’une jolie balade
en forêt : feuillages dorés, rais de soleil sur des pierres moussues, et la vue
dégagée jusqu’au lac pour les moments de songe et d’immobilité.
Elle avait choisi cet endroit « ouvert aux retraites individuelles », disait le
prospectus, pour se reprendre, espérant trouver une respiration, un grand
souffle apaisant. […]